Je me doutais que cette remarque finirait par arriver ; je te remercie de l'avoir faite.
Effectivement ailleurs on procède comme ci ou comme ça. Ailleurs.
Ailleurs,
ils n'ont pas nécessairement les mêmes désirs (je n'utiliserai pas volontairement le terme « ambitions ») et préfèrent se concentrer, sans tort ou à raison, sur
le jeu.
Comme tu l'as compris – et vous par extension – nous construisons non un jeu, une partie, mais une histoire – et vous par extension – ; un récit de fiction, avec ses codes d'univers, son vocabulaire, ses protagonistes (avec et sans majuscule), et sa richesse, offrant une construction structurée pour sa compréhension. Justement sa composante syntaxique et de typographie, proche si ce n'est calquée sur celle de l'écriture d'un roman, d'une
véritable histoire (un jour on me définira ce qu'est une
fausse histoire), vient structurer l'ensemble et offrir un cadre connu et maitrisé par le lecteur – tout autant que l'auteur, qui rappelons-le est multiple dans notre cas.
La mécanique de texte est rassurante. Si tout le monde ne réussit pas nécessairement à la reproduire, à l'apprivoiser, surtout du premier coup, elle fait écho à notre propre expérience, nos lectures. Et c'est avec la même aisance que nous pouvons passer d'un récit à un autre, d'un roman à un autre, d'une histoire à une autre, sans lien apparent, si ce n'est justement les mots – et pas nécessairement la langue pour les chanceux – et la manière dont ils sont
arrangés.
Hormis dans de (trop) rares livres se jouant de et avec cette construction (
La Horde du Contrevent, de Alain Damasio, par exemple), as-tu cette séparation, cette mise en exergue des pensées d'un protagoniste à l'égard du texte – dans le but de faciliter la lecture ? Non. Ils ne font qu'un. Les pensées sont commentaires, virgules et accompagnements. On se joue de et avec les mots afin qu'elles [les pensées] s'incluent dans ce gros bloc de texte indigeste, tout comme le lecteur, parfois et souvent même au coeur d'un dialogue. Le lecteur n'y voit aucune gêne – si et cela seulement si c'est bien écrit, la mission et crainte de tout auteur. Là est la magie du contrat tacite passé entre un auteur, son texte, et les lecteurs : « j'écris, vous saurez quand et comment comprendre sans tout mélanger. Démerdez-vous ! »
Exemple :
fʁaktyʁ a écrit :— Quelle mouche l'a piqué celui-là encore ? marmonna dans sa barbe l'aubergiste qui veillait derrière son bar. Qui n'est pas son père, et que veut-il voler surtout ?!
Je n'ai nul besoin de mettre en gras, en italique, d'encadrer de fioritures, ou que sais-je encore, les répliques de l'aubergiste pour les différencier du commentaire, de la narration. Tout lecteur saisit la séparation de l'un et la reprise de l'autre. Le contrat tacite, la magie de la lecture et du lecteur, toussa toussa...
Tout comme la suite, mélangeant description et pensées de l'aubergiste, est parfaitement assimilée. L'une vient justifier et appuyer l'autre. On [le lecteur] comprend « pourquoi l'aubergiste pense et réagit ainsi », cela est expliqué avec fluidité par le retour à une explication narrative : « il avait toujours eu de la sympathie envers les Hysnatons ». Là encore le contrat tacite.
Je reconnais que
Bloodlust vient compliquer un chouia la donne avec ses protagonistes possiblement doubles, créant autant d'interactions que de possibles. Mais dans le fond, la structure est exactement la même. D'ailleurs le petit addenda n'avait potentiellement même aucune raison d'être, car il était tout autant possible de préciser les interlocuteurs des dialogues, ainsi que la forme de cet échange, par la même structure qu'un dialogue plus classique (comme je l'ai toujours fait jusqu'à présent, dans les dizaines de milliers et plus de nouvelles que je vous ai écrites ! Référez-y vous bande de moules...).
Exemple :
— Tu n’es pas mon père à ce que je sache ! maugréa Constantin.
— Non mais je suis ton Dieu et toi mon Porteur ! lui rappela Dieu Likan d'un soufflet que lui seul pouvait entendre et percevoir. De plus, à moins que tu ne souhaites passer pour un simple d'esprit doublé d'un idiot, que tu es déjà – croire Innacessibility au sud, mon pauvre ami tu as tant et le temps d'apprendre ! –, je te suggérerais d'éviter de répondre à haute voix en présence d'oreilles profanes ; regarde-les te dévisager ! Je lis, je suis dans et tes pensées.
Tel était la complexe relation des Porteurs. Le dur apprentissage nécessaire à toute relation entre l'humain et le Divin ; le partage du corps et des esprits.
Constantin venait de l'apprendre, et obéissant, garderait désormais bouche close :
— Cela ne fait pas de toi mon père pour autant, pensa-t-il en répétant sa ritournelle d'adolescent vexé.
Vexé, il l'était ! Mais avait-il d'autres choix ? Ses pensées lui suggéraient le contraire, pour peu qu'elles fussent encore les siennes.
Fin de l'exemple. Merci Romain pour cet emprunt de situation que je viens de faire.
Est-ce que cela te parait plus clair Nicolas – et par extension vous ?
Vous l'aurez compris, les mots se suffisent à eux-mêmes. Je vous fais confiance pour
jouer de votre plume. Et reste à votre disposition pour vos questions – sauf celle-là, ni celle-ci. N'insistez-pas ai-je dit !
Graou de barbe,