Chapitre 1. – Illusions perdues

Une série de feuillets volants de la campagne de jeu de rôle « … de Grands Héros dramatiques ? Juste des fous (du roi) ! » (cercle rôlistique privé).

[Alphonse Daudet a dit : « Du reste, ce fragment de ma vie que je passe sous silence, le lecteur ne perdra rien à ne pas le connaître. »]

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CHAPITRE 1. KAHLED AL SAKHARI

(Illusions perdues)
Mandelevakomskova – Circa 1027 dN, Mois des Séparations

L’algarade du Maire Demecrius avec sa femme avait fini par cesser après un quart de chandelle. Penaud le Maire avait insisté pour que toute la troupe – assurément de Mercenaires – ne soit pas vue chez lui, afin ne pas éveiller les soupçons de la Châtelaine – qui avait tout aussi assurément des espions. Il s’en était excusé mais tel était l’accord après tout.
L’accord ? D’accord !
Quatre Porteurs sous la pluie, autant d’Armes, et les désaccords avaient repris ; aider ou escroquer ce village sans nom, perdu quelques part, avec eux, sur la route du Sel – pour peu qu’ils ne se soient pas trop éloignés de leur plan de route – ; le laisser à son destin ; quérir La Vérité – La Fortune – La Renommé – Le Savoir – ; dormir sous la forge ; exiger les gîte et couvert à la taverne, dans la caserne, chez le premier habitant… Le brouhaha incessant des divergences avait rapidement eu raison de l’attention de Khaled. Aucune de ces futilités n’avait l’ombre d’une valeur.
Et il avait atrocement mal.
La pluie avait réveillé les nerfs et souvenirs à vifs de cette joue récemment brûlée. « Récemment… » cette pensée l’amusa, lui ou son Dieu, il finissait par ne plus différencier laquelle de ses deux raisons influençait ses émotions. Innacessibility étant à trois semaines de chariot derrière ce bois sombre, elle n’était plus si récente comme blessure.
« Récemment… »
Ces derniers temps tout était allé si vite. Jusqu’au temps lui même. Pont aux deux lièvres, la voie du Sud et la caravane du Comte de Spadig, l’arrivée dont il ne s’expliquait toujours pas l’origine de ce Dieu Grogaloragram et son ancien Porteur (Paul était déjà son second Porteur depuis cette fracture dans les réalités), l’assassinat du Comte de Spadig et de toute sa maisonnée, le Haut Commandeur et sa requête qui s’était conclue en fuite perdue, sa joue, la compagnie de la Guilde des Mercenaires, et maintenant ce village perdu – comme eux, comme lui.
A ce rythme là, Khaled ne finirait pas l’année. Peut-être pas même le mois…
Il leva les yeux en direction des étoiles et se surprit à reconnaître les gardes : le Meurtre, l’Ascension et le Songe – oraison présage ; Naenerg croissante, Taamish et Oephis décroissantes, aucun doute possible ce mois des Séparations s’annonçait de crédit.
Le mois des Séparations, le mois du changement, des remises en question. Le mois des tragédies amoureuses aussi s’en amusa Khaled en se caressant les rigoles de chaires dans lesquelles se faufilaient les gouttes de pluie.
— « Voilà au moins bien un danger dont tu es préservé », lui murmura à l’esprit son complice, son alter-ego, le Dieu Valarion. « Je te préfère ainsi, tu instilles la crainte. »
— Khaled ! le rappela à la raison l'ancien policier Vorozion, Paul le nouveau jouet de ce Dieu d’outremonde. On va faire un campement à l’orée du bois, ça te convient ?
Sans un mot Khaled acquiesça. Son arme enchaîna l’obscurité et le hissa en haut d’un arbre. Pour cette nuit, au moins, il prendrait un peu ses distances des autres.
Ainsi il ne devrait pas être mort avant l’aube.

Histoire_Bloodlust-Et entre-temps, des demi-siffans_Chap.1_001.jpg
(Illusions perdues)
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Khaled Al Sakhari
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31 mai 2015, 16:42

La nuit était fraîche et la pluie n’arrangeait pas la chose. Khaled s’enserra dans sa vieille cape de voyage qui n’avait maintenant plus qu’un attrait psychologique de réconfort plutôt qu’un réel pouvoir chauffant.
Malgré la fatigue, il n’arrivait pas à trouver le sommeil. Sa joue lui faisait un mal de chien mais quelque chose d’autre le maintenait éveillé, il sentait une boule se nouer dans son estomac et ses mains tremblaient, chose qu’il n’avait pas l’habitude de voir du fait de ses talents innés de chirurgien.
— « Tu sais bien ce qu’implique ce genre de chose ? » lui susurra son alter-ego. « Tôt ou tard, il faudra lui montrer ce qu’il en coûte de s’en prendre à nous… »
— Non ! Je ne suis pas revanchard ni un psychopathe, tu sais pertinemment que la situation était complexe et…, pensa Khaled.
— « Excuses et interprétations, ton mantra commence à m’agacer. Où est passé cette fierté qui t’habitait quand nous nous sommes battus contre ces détritus d’alwegs il y’a 6 mois ? Tu t’assagis bien vite, et moi qui pensais qu’un Batra avait de l’honneur. »
Khaled senti sa colère déborder et il réprima de répliquer à haute voix.
— Les circonstances sont différentes ! Et je ne veux pas rentrer dans un conflit stupide de fierté mal placée qui pourrait détruire Odarius ou moi-même. N’as-tu pas pensé qu’Il était plus puissant que…
— « Non. »
— Et bien-moi si. Nous… Je n’avais vu aucune de ces capacités avant l’incident d’Innacessibility, et elles semblent être d’un autre niveau que celles que nous avons pu voir. Je pense qu’il peut être au moins aussi dangereux que Dieu Grogalo voir plus en combat pur.
— « Si tu n’as pas confiance en nous, alors tu n’as rien à faire avec moi. »
Un silence mental tomba entre eux. Khaled sentait que le Dieu Valarion attendait une réflexion ou une réponse mais rien ne vint à son esprit. Comme à son habitude, l’Arme-Dieu prit la parole :
— « Que tu le veuilles ou non, ta garde ne doit jamais être baissée. Si tu veux rester en vie, tu dois prendre celle de ceux qui cherche à attenter à la tienne. Tu penses que tes joyeux compères donneraient leur vie pour te protéger ? Dieu Longinus a-t-il seulement réagis quand tu as tenté de les libérer de la garde Vorozione ? Une bien belle loyauté. Et Lican, penses-tu qu’il ait cherché à savoir si refuser l’offre du Haut Commander allait entraîner votre mort ou n’avait-il qu’en tête ses petites envies de contradiction éternelle ? Et Dieu Grogaloragram ? Un enfant de cœur voyons, tu pourras toujours compter sur lui pour t’aider quoi qu’il arrive, il ne te fera jamais de mal… Non, tu es et resteras seul maître de ta vie et je serai là pour la partie survie. Mais si tu ne veux pas avoir à devenir un sanguinaire ou un infirme, la démonstration de force est nécessaire. »
Khaled ne répondit pas de suite. Il tassa sa vieille besace mise en guise d’oreiller contre le tronc et murmura :
— Nous avons toujours divergé sur ce point. Nous verrons qui a raison dans les jours à venir.
— « Et si tu meurs ? »
— Alors tu auras raison.
Un rire grave emplit son esprit :
— « Peut-être qu’alors je serais triste d’avoir eu raison. »
La fatigue prit le dessus et Khaled tomba dans un sommeil agité.

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04 juin 2015, 15:10

Khaled s’éveilla seul. Si tant est qu’il pouvait l’être encore.
— « Je t'ai laissé te reposer », glissa dans le creux de son esprit Dieu Valarion. « Tes rêves sont pour moi une passerelle inachevée. »
La douleur se réveilla avec lui. Plus fine. Comme la pluie.
Il resta à écouter le souffle régulier des montures qui s’échappait du sol situé à une dizaine de pieds plus bas. Une faible lumière matinale s’insinuait à travers les branches élimées, une lumière qui n’incitait guère à un départ immédiat. Après quelques minutes passées à observer les craquelures de sa joue dans le reflet liquide des lames de son Arme, et un intervalle plus long durant lequel il garda les yeux fixés sur le camp vide de ses compagnons, Khaled se leva et considéra le reste. La journée était fort maussade, comme son humeur. Le ciel était lourd et les toits de ce village étaient gris et mornes dans la lumière plate du matin. Mais au-delà des toits, vers l’Est, il pouvait voir la colline et son château, vestige Dérigion. Il y avait du soleil là-bas. Il voyait des rais de lumière accrocher les nuances bleu-vert de ses forêts, l’inviter à visiter ses flancs.
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05 juin 2015, 13:52

Khaled descendit lentement et précautionneusement de l’arbre humide et se rapprocha des restes du feu de la veille. Des braises, ici et là encore rougeoyantes, apportaient un peu de douceur à cette fraîcheur matinale. Il resta assis quelques instants pour se réchauffer.
— « Tient ! C’est étrange, plus âme qui-vive dans ce camp. Auraient-ils oublié de te prévenir de quelque chose ? »
Khaled poussa un long soupir d’exaspération. L’envie ne lui manquait pas de laisser tomber son arme dieux et d’aller se dégourdir les jambes… Mais cette pensée le quitta très rapidement. Il tapota nerveusement sa joue ce qui ne manqua pas de raviver sa douleur.
— « Dis-moi, ta blessure là, ça me rappelle une fois un porteur que j’ai eu. Il s’était, comme toi, pris une sacrée brûlure sauf que lui c’était sur le dos. Ce n’était pas très beau à voir au début mais après une semaine cela ressemblait juste à une ignominie sans nom. La plaie s’était infectée et il a bien mis deux semaines à mourir d’une lente agonie. En même temps, nous étions au milieu de nulle part. Un peu comme ici en fait. Mais bon, je ne dis pas ça pour t’alarmer bien sûr.»
Le porteur ne dit rien. Il savait que l’humidité ambiante et la crasse dans laquelle il pataugeait étaient vectrices de maladie. Il regarda au loin vers le château en ruine et rejeta un œil sur le camp. Sa curiosité fut étrangement aiguisée à cet instant et il se décida d’aller se balader vers cette région plus ensoleillée. Qui sait, peut-être y trouverait-il quelques herbes ou plantes pour se préparer un petit onguent contre sa plaie ?
— « Hey ! Je n’aime pas faire des monologues ! Ais au moins la décence de me répondre ! »
Khaled soupira encore un peu plus.
— Ouais, ouais…

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05 juin 2015, 19:51

Le village était vide, excepté les volets qui claquaient occasionnellement à son passage. Les quelques maisons devant lesquelles Khaled passa pour rejoindre la colline semblaient condamnées ou abandonnées. Des cochons noirs déambulaient dans leurs cours, sans aucun enfant pour les nourrir ou les surveiller. Du linge flottait au vent sur un étendoir avachi et trempé par la pluie, sans la moindre lavandière en vue.
Tout d’abord, ce voyage solitaire à travers le silence le rafraîchit par son absence de contacts humains – même lui respectait l’accalmie, par son mutisme plus que bienvenu –, mais à mesure que la matinée s’avançait un certain malaise s’empara de Khaled.
La route se détériorait rapidement, les nids-de-poule devenaient de véritables cratères, le sol lui donnait l’impression de marcher dans la fange.
Puis :
— « Elle va se noyer ! »
Tout le poids de l’aperception divine affligea Khaled, avant qu’il ait pu s’en aviser. Affliction de l’esprit pour son excès de vigilance, de paranoïa.
La terre devenait boueuse du fait d’une rivière qui la creusait et nourrissait ; ses flots tumultueux décourageaient toutes tentatives de traversée à la nage. Sauf les inconscients. Comme cette femme d’entre deux âges à la robe de mariée à mi-mollets plongés dans l’eau, à ne pas en douter glacée.
Un pont, certes branlant et en bien mauvais état, mais un pont tout de même avait le mérite pourtant d’exister.
— « Elle va se noyer ! » répéta Dieu Valarion.
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06 juin 2015, 23:20

Khaled s’élança pour se rapprocher du cours d’eau tumultueux. Une fois à quelques pas du bord, une peur indicible s’incisa dans tout son corps et il s’arrêta net. Des souvenirs non lointains de sa mésaventure dans le sous-sol de cette auberge entre deux armées lui revinrent à l’esprit tel un traumatisme d’enfance. Quelques secondes, il resta pétrifié devant ce ruisseau, les poings serrés sur ses armes. Il sentait que Dieu Valarion était dans le même état que lui, chose qu'il n'avait pas eu souvent l'occasion d'appréhender. L'appréhension d'un danger était une chose, la peur d'un traumas en était une autre.
Le porteur secoua la tête puis regarda le pont.
— Mauvaise idée, se murmura-t-il.
Khaled se remit à courir mais cette fois-ci vers le pont. Il sentait la peur de son Dieu s’agrandir au fur et à mesure qu’il se rapprochait de l’édifice en ruine.
— « Non, c’est une très mauvaise idée ! »
Khaled ne ralentit pourtant pas au moment de débuter ses enjambés entre les planches rongées par la moisissure et probablement quelque insecte xylophage. Ses yeux jonglaient entre le corps flottant au grès des vagues et la prochaine planche où son pied allait se poser. S’il arrivait sans encombre près d’un pilier soutenant ce pont branlant, il espérait s’accrocher avec son arme sur ce dernier et tenter d’attraper cette femme de sa main secondaire. Encore fallait-il arriver jusque-là…

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08 juin 2015, 00:44

Certaines conséquences sont inéluctables, impossibles à éviter, à empêcher. Même en ayant pleine conscience de leur cause. La nature et langue des hommes les nomment : (des) évidences. Dieu Valarion s’efforçait vainement de l’inculquer à Khaled. Mais Khaled était du sang et sel de ceux qui devaient – voulaient ! – apprendre par eux-mêmes, d’eux-mêmes. Malgré les échecs. Cuisants comme détrempés.
Il l’était.
Le pont n’avait pas résisté aux intentions de Khaled, encore moins à sa prestesse. Une planche avait craqué, puis une seconde, et finalement celle de trop. Son destin fut de rejoindre les eaux pour partager le mauvais sort de cette malheureuse dont il avait souhaité quelques instants plus tôt la tirer, glacées comme il l’avait envisagé. Par chance – pouvait-il le nommer ainsi – Dieu Valarion ne partageait ni sa pédagogie sur l’enseignement par l’échec, ni le comique de répétition, fut-il espacé de quelques mois, et encore moins d’affinité pour l’élément liquide. Aucune, surtout pas ! Sa quintessence de métal s’enchaina autour d’un pilier et les empêcha de sombrer, et pour l'anecdote posthume – à venir – que Khaled ne se noie (un contrôle de pur réflexe dont le Dieu se défendrait de toute volonté de protectionnisme intempérant).
Ce qui ne fut pas le cas de la malheureuse. Disparue. Engloutie. Déjà son souvenir s’effaçait. Courant, flot. La rivière du temps, de la vie l’avait déjà emportée. Déjà.
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09 juin 2015, 08:02

Les flots plaquaient le porteur contre le pilier du pont branlant. Il saisit aussi fermement qu'il pouvait le manche du kusari-gama qui tenait encore son corps plus ou moins hors de l'eau. Il puisa dans ses forces et sentit Dieu Valarion l'assister dans sa tâche. Soulevant son poids plus aisément malgré la puissance du courant, il s'extirpa de cette eau saumâtre en grimpant en haut du pylône. Il priait intérieurement que rien ne cède à nouveau.
Une fois sortit d'affaire, il s'affala à coté du pilier pour reprendre son souffle et vomir toute l'eau ingurgitée.
— « Aaah ! N'apprends-tu donc jamais ? »
Même s'il s'y attendait, Khaled ne pouvait réprimer à cette instant précis ce sentiment d'exaspération profond d'avoir à ses cotés - dans son esprit - une personne dont le plus grand plaisir est d'admonester sans retenu. Et le pire, c'est qu'il n'avait pas tort.
— « Peut être qu'un jour tu réfléchiras AVANT de prendre une décision et pas après l'avoir choisie.»
Le porteur mit quelques instants à reprendre son souffle. Plusieurs questions trottaient dans sa tête à propos de cette femme mais il n'arrivait pas à se concentrer suffisamment. Peut être fallait-il en parler aux autorités ou peut être fallait-il continuer de passer inaperçu dans ce village, dans tous les cas, il ne resterait une minute de plus sur ce pont.
— Oh et puis merde tient ! maugréa-t-il.
Il ne voulait pas avoir risqué sa vie une fois de plus pour rien. Vu la puissance du courant, il y'avait des chances pour que le corps de cette femme se soit rapproché d'une berge ou qu'il ait été stoppé par quelque écluse improvisée. Il décida donc de marcher le long de cette rivière dans le sens du courant en nourrissant ce maigre espoir de ne pas avoir fait un choix qui risquerait - encore - de le mettre en danger.

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09 juin 2015, 13:26

N’importe quoi ou pire pouvait se trouver au bout de cette piste, toute fangeuse…
Khaled se mit à marcher d’un bon pas, s’éloignant de la colline.
Quelques milles plus loin, la rivière avait perdu de sa force. Seuls quelques ruisseaux en voie de coagulation s'écoulaient vers le coeur sombre.
— « Une rivière souterraine », estima devoir expliquer Dieu Valarion. « Cette bonne conscience est en train de se transformer en authentique expédition. »
Khaled regarda au bout de la piste : la forêt à perte de vue... Tout le village et sa vallée en étaient encerclés, une ceinture sylvestre sombre et touffue hermétique à la pluie elle-même.
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09 juin 2015, 14:18

Khaled soupira. Il maudissait sa malchance de n'avoir rien trouvé jusqu'ici. Sa piste n'avait plus rien d'engageant et il ne voulait pas se risquer dans la forêt du fait de son sens de l'orientation peu adapté aux environnements boisés. Non, il se maudissait encore plus de n'avoir pas réfléchi avant de monter sur ce pont.
— « Alors ? Que choisis-tu, la chasse aux champignons ? Ou l'aventure, avec un grand A ? »
Touché dans son orgueil et agacé par la suffisance divine dont faisait preuve Dieu Valarion, Khaled ne pouvait tout simplement plus raisonner de façon logique ou même sensée. Même si sa raison le poussait à la prudence et à retourner auprès du camp de ses compagnons de voyage, la volonté de prouver sa valeur à son alter-ego était très forte à ce moment. Il pris une inspiration et dialogua dans son esprit avec Dieu Valarion:
— Et bien que veux-tu ? Le cadavre n'est pas là et la forêt me parait assez dense pour que je ne sache comment revenir sur mes pas.
— « Mais pourquoi vouloir revenir sur tes pas ?»
— Simplement parce que j'ai d'autres intentions que de me jeter sans but ni raison dans l'Aventure comme tu dis.
— « Ah oui, cette carte. Mais que je sache, tu l'as vu ? Tu t'en souviens ? Pas besoin de l'avoir pour se rendre sur place.»
— Ton individualisme devient difficile à supporter... Je te rappel que ce Ulrich "Le Rouge Écarlate" est sensé la détenir aussi et qu'il y'a de grandes chances de le rencontrer la bas. Notre dernière rencontre me laisse toujours un poids sur la poitrine.
— « S'il n'est pas hostile, quoi de mieux que de discuter ? Tu avais péché par orgueil la dernière fois, changeons de tactique. Nous pourrons toujours le tuer si vraiment le dialogue ne fonctionne pas. Mais nous n'en sommes pas là! Je vois que tu deviens de plus en plus réticent à agir par toi même, tu te repose beaucoup sur les autres et tôt ou tard, cela te tueras - toi et les autres - crois moi. »
Khaled se contenta d'un "Hmpf" de dépit. Ces remises en place récurrentes le faisait se sentir comme un enfant en bas âge. Après quelques instants de silence, Khaled reprit à haute voix:
— Bref, la piste s'arrête ici et je ne pense pas que cette femme se soit relevée pour partir gambader dans cette forêt.
— « Sur ce point, je suis d'accord même s'il ne fallait être doté de pouvoir divin pour relever cette évidence.»
Le porteur ignora la remarque.
— Je vais donc reprendre ma route où je l'avais laissée et me rendre vers cette zone plus ensoleillée de la colline. Je parlerai de tout ça avec les autres tout à l'heure.
Dieu Valarion resta silencieux - surprenant totalement Khaled - mais le porteur sentait cette frustration profonde qui le faisait parfois changer d'avis à la dernière minute. Mais pas cette fois. Il reprit sa marche.
— « Par contre, il me semble que c'était "Le Loup Écarlate"... »

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10 juin 2015, 14:48

Revenir sur ses pas le long du misérable chemin improvisé n’avait pas enchanté Khaled. Le retour au village, niché derrière lui, après sa petite balade s'annonçait laborieux ; le pont était désormais impraticable, par sa faute. Il lui faudrait vivre avec cette idée. Comme celle de n’avoir pu sauver la pauvre malheureuse. – Qui était-elle ? Pourquoi avait-elle voulu se noyer, car là avait bien du être son intention, et en robe de mariée ? –
Aucune réponse. Juste des pas.
Il commençait à grimper à présent, et la piste bien droite sur le flanc de la colline se mettait à faire travailler les mollets de Khaled. Un nuage passa, occultant le ciel si bien qu’un échiquier mouvant d’ombre et de lumière se mit à danser sur le sol. Il y eut soudain un chant d’oiseau, vide et optimiste, et l’odeur de la tourbe et de la terre brûlée. Un renard traversa la piste devant lui et resta un long moment à observer ce voyageur, frappé par la nitescence qui irradiait de son Arme. Puis, avec l’allure détachée d’un prince sans frayeur, il s’éloigna en flânant au milieu des pierres avant de s’y réfugier.
Quoi que puisse être cette ruine à l'abri de son enceinte qui occupait toute la vallée, obligeant un détour par la forêt pour la contourner, c’était bien mieux que l’ennui.
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10 juin 2015, 15:38

Khaled s'approchait de ces constructions anciennes tout en observant les alentours à la recherche d'âme vivante ; les événements précédents ayant aiguisés quelque peu sa paranoïa déjà bien active. Il plissa les yeux en essayant d'apercevoir si mouvement il y avait dans cette vallée.

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10 juin 2015, 15:54

Mis à part quelques oiseaux, il n’aperçut plus aucun animal sauvage. Pas même d’homme.
Si le vent s’accommodait des brèches et pertuis, un portail de fer ouvragé s’ouvrait sur ce vaste clos couvert de mousse et de lierre pour l’aventurier – avec un grand A – curieux d’aller voir de plus près.
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10 juin 2015, 16:40

Et curieux, Khaled l'était - ou était-ce Dieu Valarion qui accentuait cette avidité d'entreprise.
Le batranoban avança d'un pas lent vers cette ouverture qui paraîtrait pourtant peu avenante à quelconque voyageur égaré. Le ciel donnait un air presque dramatique à la situation, ondulant tel un serpent entre ombre et intense clarté. Si le vent sifflait par moment entre les pierres fendues, le silence emplissait l'esprit du porteur. Il ne percevait maintenant plus que les pulsations de son cœur au travers de ses tempes tel un tambour de guerre accélérant la marche forcée d'une armée. Il se sentait bien, incroyablement bien - chose rare depuis quelques temps.
Il s’arrêta devant ce portail forgé en laissant traîner sa main sur le fer froid et rouillé par endroit. Il sentit instantanément la vieillesse du lieu imprégner son corps. Il n'avait pas de certitude quant à une date ou même une période d'abandon des alentours, mais il savait que sa présence ici plaisait plus que tout à son alter-ego - bien silencieux depuis qu'il avait vu l’édifice de loin.
Khaled détacha son regard du portail et inspecta la cour intérieure du clos.

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10 juin 2015, 18:05

Dans chaque direction, le vide. Les herbes et coquelicots poussaient si haut qu’il devenait inutile de se baisser pour en cueillir. Les fleurs étaient prêtes à lancer leurs graines au vent, fort tard pour la saison.
Derrière lui, Khaled entendit la porte grincer et se refermer.
Le vent.
Des pétales churent de leur réceptacle dès qu’il les toucha, petites taches rouges voletant sur les stèles grises.
Khaled inspira profondément et rit : un cimetière, voilà ce qu’était cette ruine. La dernière demeure de l’oubli, complètement désertée dans le gouffre secret de la colline, dissimulée aux yeux du Néant par le temps et la nature sauvage. Une cérémonielle empathie d’apaisement régnait dans ce lieu.
— « Hmmm, l’endroit pourrait être agréable », partagea Dieu Valarion, et assurément l’endroit l’était. « Si … enfin, si mon avis t’intéresse encore… »
Son expression sobre et décidée parvenait à peine à dissimuler l’excitation qu’il ressentait en cet instant, une excitation que Khaled sut entachée par autre chose.
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11 juin 2015, 15:38

Khaled marchait lentement entre les stèles. Il ne savait plus vraiment les intentions qui l'avaient poussées à arriver jusqu'ici ; il n'était même pas sûr que cela soit vraiment les siennes. Mais il savait à cet instant que peu de personne sur cette terre pouvait - pourrait - appréhender ou comprendre ce qu'il ressentait. Le porteur dit mentalement en esquissant un léger sourire:
— Ton avis est toujours le bienvenu, aussi pertinent soit-il.

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11 juin 2015, 18:57

— « Ne remarques-tu rien ? »
Il était vrai que l’air, pourtant plus matinal, agressait les narines, comme de l’éther ou de l’oxydation. Puis il y avait ces stèles brisées, broyées, et le sol noirci par le feu.
— « L’Exal ! Les idiots sont passés par ici, et se sont battus. » Dieu Valarion vint confirmer le doute qui avait commencé à naître dans l’esprit de Khaled. « Ils ne respectent donc rien. »
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Khaled Al Sakhari
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12 juin 2015, 14:58

Khaled eu un hoquet de surprise. Il réalisa qu'il ne savait aucunement le temps qu'il s'était écoulé depuis son échappé champêtre. L'excitation de l'endroit était tombée pour faire place à une certaine rancœur. Le porteur savait qu'il ne s’agissait là que des sentiments résiduels de son Dieu mais même lui estimait que l'endroit valait qu'on le respecte, et il ne comprenait toujours pas comment ses compagnons et lui attiraient les mauvaises rencontres - ou les provoquaient.
— « C'est le lot de cette vie que de faire ce genre de rencontre tempétueuse, mais il faut parfois réfléchir et raisonner plus loin que ses propres convictions et arrêter d'agir comme des enfants insolents. »
Khaled écarquilla les yeux et poursuivit mentalement:
— Quoi ? Qu'entend-je ? Toi, me faire des leçons sur la tempérance ? Je dois avoir mal interprété tes propos...
— « T'ai-je obligé une seule fois à tuer quelqu'un ? T'ai-je obligé à agir contre tes convictions et tes principes ? Ou t'ai-je encore une seule fois obligé à combattre lorsque ce n'était pas nécessaire ? En cherchant dans ta mémoire tu comprendras que je te laisse toujours libre de tes choix. Mais je n'aime pas les actes de débilité profonde et l'irrespect d'un lieux ou d'une oeuvre chargée d'histoire en fait partie - pour moi. Si je t'ai choisie - ou plutôt gardé - c'est que je sais que nous partageons au moins ces choses : la fierté, le respect... Et cette tempérance, où chaque mesure à son poids et ou chaque acte à ces conséquence. Ta fougue est ce grain de sel qui vient attiser mon envie de te voir briller et devenir quelqu'un de reconnu, elle vient bousculer cette vision de sagesse et combler ce manque d'audace. Mais il serait temps d'assumer un peu plus vos pouvoirs et surtout d'agir en tant que véritable porteur. »
Khaled pouvait sentir l'agressivité de son Dieu s'accentuer au fil des mots et un frisson lui parcourait l'échine.
— « Nous sommes régis par des lois simples et immuables. L'Exal laisse parfois des traces indélébiles sur cette terre et il ne faut pas gâcher un patrimoine si précieux. Ce qu'il s'est passé ici en est l'exemple, un lieux de quiétude souillé par la bêtise et la folie.»
Le porteur resta silencieux un moment. Il passa près des pierres tombales brisées puis s'agenouilla et passa sa main sur une zone noircie du sol.
— « Je sais ce que tu te dis, je pourrais comprendre tes pensées sans même les lire. Qu'importe la situation à laquelle ils ont pu faire face, qu'importe les circonstances ! Ils ne réfléchissent jamais avant de lâcher leur suffisance et leurs pouvoirs. »
— Oui, je pense que tu as raison, pour eux comme pour moi, répondit Khaled à voix basse.
Valarion se tut. Le porteur se releva et considéra sa situation.
— Même si nous ne partageons pas toujours nos points de vue, je comprend de plus en plus les points compatibles ou non avec cette vie de porteur. Mais il n'est pas tâche aisée de les faire comprendre aux autres. Vous influencez tellement nos vies que des frères ne pourraient plus se reconnaître après quelques mois en possession d'une Arme-Dieu. Tu parles d'enfants insolents mais qu'en est il des caprices d'un des vôtres ? Pouvons-nous simplement résister à vos envies parfois bien dangereuses ou déraisonnables ?, dit-il mentalement.
Valarion se tut. Le porteur s'approcha des zone de combat et tenta de repérer des traces de pas s'en éloignant.
— Mais je ne pense pas qu'ils soient venus ici pour chercher le conflit. Nos intentions n'étaient certes pas empreintes de bonté et de gentillesse quand nous avons décidé d'aider le maire de cette bourgade mais nous ne souhaitions pas que tout ceci se termine en bain de sang. Tout du moins, pour ma part. Nous étions sur une affaire de discrétion et ils ne sont pas non plus stupides au point de vouloir tout détruire - j’espère. Je vais essayer de tirer cela au clair et j'aviserai selon la réponse que j'y trouverai.
Valarion sortit de son mutisme et dit:
— « Et que feras-tu si la faute leur incombe ? »
Khaled sourit et répondit à haute voix:
— Je réfléchirai ?
Puis le porteur s'avança dans les hautes herbes en cherchant où étaient partis ses compagnons.

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12 juin 2015, 15:59

La traversée du cimetière se fit sans mal pour Khaled, il avait déjà été commis par ses compagnons. A chaque fois qu’ils posèrent leurs yeux et amertumes partagés ce n’était que pour y reconnaître la marque de leur acharnement à détruire et briser la vie, et désormais depuis ce jour, même les vestiges de celles passées.
Cet endroit avait été beau et paisible. Avant.
Dieu Valarion laissa échapper un râle de pensée :
— « … des justes et des pécheurs. Viendra l’heure où ceux qui gisent dans la tombe en sortiront à l’appel de ma Voix. Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour un cycle, ceux qui auront fait le mal pour le Néant. Ils s’en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes seront libérés du poids de leur hère. »
Le temps arrangera tout et les coquelicots sèmeront de nouvelles vies. Après.
Seul déconvenue : la seconde porte, la seule qui permettait de quitter cet endroit et de poursuivre le long du versant de la colline, sans devoir escalader l'enceinte ou s'inspirer d'un renard et mulot, et qu’un tiers avait soudé sur toute sa hauteur. Nul doute pour Khaled, qu’Odarius n’était pas étranger de ce fait…
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12 juin 2015, 16:29

Le porteur leva la tête pour constater l'oeuvre de son compère.
Il ne put s’empêcher de lâcher d'un ton teinté de lassitude et d’étonnement feint:
— Mais qu'est ce qui a bien pu leur arriver...
— « En tout cas, vu la précipitation du travail fait sur ce portail, je pense - j'espère - que ce qui les poursuivait les ont mis à mal. »
Khaled, saisit une de ses faux et commença à la faire tournoyer depuis sa chaîne.
— Fais attention mon ami, tu deviens mesquin, répondit mentalement Khaled en lançant son arme vers le haut de l'enceinte.
Avant de passer de l'autre côte, le porteur voulait prendre un peu de hauteur et avoir un aperçu du chemin emprunté par ses compagnons. Décidément, rien ne serait simple aujourd'hui.

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Une seconde, Khaled craignit que la vieille pierre ne puisse supporter son poids, que le lierre et la mousse aient été trop glissants. Un excès d’inquiétude principalement du à sa matinée, dont il avait bien du mal à ne pas se remémorer avec ses frusques toujours humides. L’absence de soleil ne l’aidait pas. Si ce n’était pas d’une infection de sa joue il finirait par périr d’un simple rhume, ou d’une entorse de la cheville. Quel destin !
Du haut de l’enceinte Khaled contempla la vallée ; le village semblait à des heures de marches – et c’était le cas – ; le château à quelques milles seulement, peut-être moins de deux s’il pressait le pas.
Un détail dans les herbes hautes attira son attention alors qu’il redescendit prudemment, très prudemment, de son observatoire improvisé. L’objet brillait à ses pieds, et sa curiosité mêlée de son ancienne vie de marchand ne purent le faire hésiter longtemps : une chevalière, portée sur un annulaire en putréfaction sectionné à sa seconde phalange.
La brise des réminiscences partagées de Dieu Valarion et Khaled apporta dans leur esprit l’odeur des carcasses fraîchement ouvertes ; la senteur des profondeurs du corps humain, mi-douce, mi-amère.
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12 juin 2015, 17:16

Khaled saisit le bas de sa cape - des lambeaux pour ainsi dire - et y posa le membre sectionné. Il l'observa quelques instants.
Quelque chose n'allait pas. L'état avancé de putréfaction de ce doigt signifiait évidemment qu'il n'avait pas été sectionné récemment. Pourtant tout portait à croire le contraire. Le cycle de la nature aurait suivit son oeuvre et les animaux ou insectes nécrophages auraient fait disparaître cette nourriture.
Non, il ne devrait pas se trouver là. Khaled se préparait déjà à encaisser l'aperception surnaturelle de Valarion, il n'en doutait pas une seconde.
Il resta aux aguets tout en observant plus attentivement cette chevalière.

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12 juin 2015, 17:45

— « Khaled ? » l’interpella Dieu Valarion.
Khaled ne réagit pas préoccupé par cette chevalière d’une parfaite banalité, si on omettait sa présentation.
— « Khaled ?! » répéta-t-il avec emphase, avant de l’obliger à l’entendre. « Je suis disposé à comprendre tes craintes, et je tiens même à te féliciter pour ce raisonnement et ta volonté de faire preuve de cautèle. Tu sembles vouloir faire amende honorable de cette matinée, et, enfin, apprendre de tes erreurs tout en t’appuyant sur notre relation privilégiée… Seulement, je ne perçois aucun danger. Rien. »
Rien.
Dieu Valarion avait raison ; il n'y avait rien à remarquer, signaler ou craindre à un stade à la lieue. Juste le calme d’une fin de journée. Les nuages quittaient la vallée pour offrir encore un peu de temps et clarté des astres. Fey et Raz s’apprêtaient à se croiser ; il ferait nuit dans une bougie complète.
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12 juin 2015, 19:46

Khaled fit le point, il ne savait toujours pas où étaient partit ses camarades, il n'avait rien mangé, la fatigue commençait à lui ronger les mollets et la nuit ne tarderait pas à jeter son voile dans la vallée. Il retira la chevalière de la phalange, toujours avec les lambeaux de tissus de sa vieille cape - sans aucun doute par soucis d'hygiène - et la mit dans sa besace. Il poussa quelques pierres près du mur d'enceinte avec ses pieds et posa le membre sectionné sur le sol. Il repoussa ensuite le petit tas de caillou.
— « Quelle méticulosité, si je pouvais applaudir je l'aurais fait.»
Khaled s'étira de toute sa hauteur en faisant craquer au passage quelques vertèbres et jaugea la distance qui le séparait du château. S'il pressait le pas il pourrait même quémander un repas chaud.

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12 juin 2015, 20:51

La nuit était tombée, amère et sans nuages. Il marchait, le col de sa veste relevé pour le protéger du froid humide, les pieds gonflés dans ses souliers. Au-dessus de lui, le ciel tout entier était devenu une parade d’étoiles. Un triomphe de lumière répandue, dans lequel l’oeil pouvait percevoir autant de formes qu’il aurait la patience d’en dessiner.
Tard dans son épuisement, Khaled vit la lueur d’une fenêtre au loin. La femme qui l’accueillit dans la cour du château de pierre et brume, d’un autre temps, couronné des trois lunes témoins du Mois des Séparations, ne lui sourit pas mais elle vit l'état dans lequel il se trouvait et le laissa entrer chez elle, en band du castel. Il paraissait totalement inutile de tenter d’expliquer ce qu’il avait vécu ou même ce qu’il était à cette vieille femme et à son époux invalide.
Elle même ne parla pas. Grâce à des mimiques et à des vocables à peine audibles elle le fit s’asseoir devant une cheminée flambante et mit un plat à réchauffer sur le poêle. L'assiette du pauvre.
Khaled dévora une soupe aux pois épaisse et sans sel, ainsi que quelques oeufs. Son mari resta assis devant le feu, sans se donner la peine de dire un mot ni de regarder le visiteur.
La nourriture était fort bonne. Elle lui remontait le moral.

FIN DE L'ENTRE-TEMPS
– Jusqu’à demain…

Histoire_Bloodlust-Et entre-temps, des demi-siffans_Chap.1_002.jpg
(Illusions perdues)
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