Chapitre 13. – Hooked on a Feeling

« Ce fut une fierté d’avoir fait partie d’eux, de cette famille pendant toutes ces années, d’avoir pu partager tant et toutes ces choses avec eux, et d’avoir vécu, grandi, d'avoir éprouvé la renaissance à leurs côtés. Je vous promets d’emmener avec moi le meilleur de chacun, ils me serviront de modèle partout et à chaque fois. Je tombe genoux à terre et embrasse le bitume sale de mes lèvres closes, jurant en silence une loyauté éternelle à votre pérennité. Un dévot de La Providence ; ce n’est pas ce que je voulais, mais je suivrai maintenant cette fatalité avec dignité. Jusqu’à la fin. Quand il ne restera que poussière. Peut-être parce que je considère chaque épreuve comme une leçon, ou alors parce que je n’ai plus aucune colère au coeur de ma volonté. A moins que j’ai fini par ne plus comprendre. Je sais. La réciprocité entre leurs actions et le libre arbitre n’avait plus lieu d’être. Il y a des choses, des faits, que je ne souhaitais pas voir se produire, pas voir exister, surtout pas voir tout court, mais je dois désormais en tenir compte, les accepter. Divine Ville, vous, j’ai fini par vous remercier de votre témoignage, sans le moindre commentaire. Mais pour les Autres, qui serais-je ? »

Je me souviens de chacun de ses mots, aussi confus m'aient-ils paru à cet instant. Nous, simples citoyens de Providence, capitale du plus petit État des États-Unis, le Petit Rhody, n'avons jamais vraiment su quel pronom personnel utiliser, pas plus que sa catégorie grammaticale ; était-IL vraiment le seul tueur ? Même ce qualificatif n’explique pas tout.
D'ailleurs, les autorités tournèrent en dérision la conclusion de cette histoire : « crimes ayant pour responsables une ou plusieurs personnes inconnues ». Quant aux journaux, ils titrèrent avec cynisme : « IL n’était pas notre Providence ». Tous les autres y allèrent de leurs versions, jusqu’au silence. Tous avaient tort, surabondant de confiance dans leur étroitesse de l’ensemble… alors que toute cette histoire n’était qu’un chassé-croisé pour et autour de nos destinées, nos fautes, notre Histoire, l'Espoir… Et il ne reste que poussière.
Sinon, pourquoi auraient-ils tous décidé de taire sa profession de foi, celle retrouvée sur sa dernière victime : Moi !

[Mary Olivier a dit : « Quelqu'un que j'ai aimé m’offrit un jour une boîte emplie d'obscurité. Il me fallut des années pour comprendre que ça aussi, c'était un cadeau. »]
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CHAPITRE 13.

(Hooked on a Feeling)
Providence – 53 jours avant la Fracture, 10h45

73% de batterie.
Ces prises de courant mises à disposition dans tous les Starbucks de Providence et de Navarre s’avéraient vraiment très pratiques.
Par contre pour le café Kelley avait connu mieux, et également pire, mais la gentillesse du personnel, le moelleux des canapés et la playlist juste ce qu’il fallait de rétro, rattrapaient largement cette absence de torréfaction, ou même de café. Puis il y avait la chantilly…
— Excusez-moi mademoiselle, une voix à la tessiture fluctuante sortit Kelley de sa rêverie. Monsieur au comptoir vous l'offre.
Un muffin chocolat blanc myrtille – édition spéciale du Printemps – vint trouver sa place aux côtés de son gobelet nommé « Killian » (la légende des prénoms systématiquement changeants dans ces cafés sans café n’était pas usurpée).
Le jeune étudiant, qui manifestement en avait mangé un peu trop, lui indiqua à coté de la caisse un sourire s'essayant à être charmeur sur une silhouette bien bâtie (045).
Blouson de cuir, tel qu’il fut immédiatement renommé dans l’esprit de Kelley, leva son gobelet sans prénom – un habitué sûrement – espérant un signe de sa part pour venir. Du moins Kelley espéra qu’il saurait attendre un signe. Pour le moment il attendait poliment. Ainsi que sa monnaie.
Malgré un physique très attrayant chez cette belle gueule, Kelley lui trouva un je-ne-sais-quoi qui lui causa une déplaisante aperception. En revanche, le muffin se voulait lui, aussi, très appétissant, et sans arrière pensée ni appréhension cette fois.

Histoire_Les Chroniques de Providence – Tales of The Divine City-Je suis Providence_Chap.13_001.jpg
(Hooked on a Feeling)
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20 mars 2015, 17:20

Se demandant si c'était bien David Hasselhoff qui assurait la bande son de sa pause café, elle sourit à blouson de cuir en inclinant légèrement la tête... Et baissa les yeux vers son écran. Se fier à s première impression ne signifiait pas être impolie ou jeter des muffins édition spéciale à la tête d'inconnus. Surtout lorsqu'ils étaient aux myrtilles. Elle espérait cependant que l'acte soit purement désintéressé, ayant eu son lot d'émotions pour la matinée. Et elle devait encore organiser son séjour à durée indéterminée.

*Je rêve où Starbucks diffuse du David Hasselhoff ? Cette empreinte vocale, c'est lui, j'en suis sûre. Cette journée est placée sous le signe du sur-réalisme !*

Par chance, Providence était une ville se voulant dans l'air du temps, et des réseaux sociaux. Autant en profiter...

@ProvidenceRI : Bonjour Providence, auriez-vous des hébergements à conseiller lorsque l'on veut s'installer quelques temps pour découvrir votre belle ville comme les locaux ? Merci !

La prochaine étape consistait à trouver un studio de yoga à la recherche d'un professeur de yoga ponctuel, ou pourquoi pas rejoindre le cirque afin de faire quelques bakasanas sur la tête de l'Empereur Bubulle, voilà qui devrait changer de sa routine !
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20 mars 2015, 18:32

— Nouvelle en ville, n'est-ce pas ?
Il n'avait pas attendu un signe. Le signe ! Il était venu… A moins que Kelley se soit trompée dans les contre-signaux. A moins qu'il ait mal interprété sa non réaction.
La voix de blouson de cuir se voulait à l'image de son sourire carnassier : ils essayaient l'un comme l'autre d'être aimables mais, pourtant, il y avait toujours ce je-ne-sais-quoi qui inquiétait Kelley. Sans raison apparente, de l’ordre de l’instinct.
— Detective, votre salade est prête ! interrompit une barista badgée Clara. Le début de silence qui aurait pu être gênant n’était plus.
Voilà le je-ne-sais-quoi !
Clara était déjà retournée prendre la commande de nouveaux clients : un jeune couple d'étudiants et derrière eux un golfeur du dimanche, à la vue de son pantalon malgré que l'on ne fut pas dimanche. Elle n’eut pas le temps d’entendre ni même de voir le geste de remerciement de blouson de cuir qui s’en était retourné pour l’occasion.
Mais Kelley en avait pleinement profité. Elle eut tout le loisir et plaisir, puis déplaisir, de voir sa veste de blouson de cuir remonter et laisser entre-apercevoir, non seulement, son petit cul parfaitement proportionné avec le reste de son physique très attrayant, mais surtout, la paire de menottes et flingue à sa ceinture.
Un flic ! Blouson de cuir était flic.
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20 mars 2015, 18:33

Doutant soudain d'être réellement réveillée, Kelley envisagea l'espace d'un instant de profiter de son dos tourné pour filer en catimini, avant de réaliser que cette option n'est pas réellement réalisable, en plus d'être peu polie et un poil suspecte. Se cacher sous la table non plus. Face à un représentant des forces de l'ordre, ce ne serait pas très judicieux. Mieux valait faire profil bas, rester polie, et mettre fin à la conversation dès que possible... Tout en espérant qu'il soit appelé pour une urgence.

— Vous êtes observateur, je viens d'arriver...

Même si avec sa valise au pied de la banquette, il ne fallait pas avoir vu l'intégrale des Experts pour parvenir à cette conclusion.
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— Providence est une ville magnifique, très paisible, et chargée d'émotions, agrémenta-t-il d’un sourire. J’espère que vous vous sentirez bien et que vous ne reprendrez pas tout de suite la route.
Ce détective en avait la poche de jeans qui frétilla. Impossible pour Kelley ne de pas avoir ses yeux qui s’y attardèrent.
— Excusez-moi, dit-il en sortant son BlackBerry de ladite poche. Son visage trahit son refus de décrocher. Il reprit aussitôt : S’il vous prenait l'envie de visiter la ville une fois que vous aurez déposé votre sac… sur la Marina il y a un petit restaurant qui fait d'excellentes crevettes à la farine de maïs. Une adresse confidentielle.
De son blouson en cuir il sortit sa carte pour la déposer à coté du café – « en train de refroidir », songea Kelley.
— James Cosgrave, Detective, mais ça vous le savez déjà, humorisa-t-il accompagné d'un sourire qui aurait presque pu balayer les premières impressions, et en faire fondre les muffins.
Sa poche attira de nouveau le regard. Nouvel appel.
— Cette fois-ci il me faut répondre. Bonne journée mademoiselle …
Il laissa en trois points de suspension espérer une réponse ou un nom.
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20 mars 2015, 18:33

Envisageant un instant de lui montrer son gobelet "Killian", Kelley réfréna son élan farceur. Mieux vallait ne pas trop en faire avec les forces de l'ordre...

- Merci Detective, bonne journée à vous également.

Elle fourra la carte dans le tote bag qui lui servait de sac à main, en vrac. Une mauvaise habitude...

Picorant son muffin, elle ralluma son téléphone pour vérifier le niveau de batterie. Elle n'avait plus tellement envie de rester dans le café, mais plutôt de sortir découvrir la ville.
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Le Detective Cosgrave n’avait pas insisté. James, de son petit nom, s’était contenté de sourire une dernière fois et de se replier, café et salade sous le bras, tout en décrochant son téléphone.
« Beau et bon joueur. Il n’en restait pas moins flic ! », pensa Kelley en laissant partir l’opportunité.
Son offrande s’avérait délicieuse : Le muffin chocolat blanc myrtille – édition spéciale du Printemps – mériterait certainement d’être plus souvent intégré dans les régimes bio-yoga pour ses bienfaits libérateurs d’esprit et énergisants. Un indispensable en vue de se préparer à affronter le monde sauvage. L’estomac plein.
Seulement 4$90.
Seulement 88% de batterie…
Kelley laissa vagabonder ses regard et esprit. Le café commençait à se remplir. Le jeune couple d’étudiants étudiait l’échange des salives en milieu urbain (ils devaient certainement être en médecine ou chimie). Le golfeur du dimanche tenait la porte à une dizaine de jeunes cadres dynamiques venues se contenter d’une salade – décidément – et d’un café taille tall en guise de repas sur le stiletto, avant de remonter dans leurs tours de verre (d’où elles penseraient diriger le monde à défaut de leur vie), ou peut-être une galerie d’art (non pour exprimer leur sensibilité mais pour la vendre aux lassés des Hamptons) comme il y en avait de nombreuses dans le centre ville. Kelley avait été de ceux là – déjà sept ans ! –, puis sa vie avait basculé. Tout lui paraissait si loin désormais. Pas superficiel, juste détaché. Où serait-elle demain ? Que ferait-elle ? Elle n’en avait cure. Seul comptait l’instant. La Vie – avec sa majuscule et ses variations. Il suffisait pour elle d’avoir confiance, en elle, puis en les autres.
« En un autre ? », Kelley y pensa, avec mélancolie.
« Providence, une ville si douce où il fait bon vivre. » Nouvelle ville, nouveau départ.
La page de l’Office de Tourisme affirmait que « The Renaissance City » entière était à l’image de son centre ville ; tous et tout le monde, grand et beau, se croisaient et mélangeaient ; toujours en perpétuel mouvement et gardant néanmoins son charme traditionaliste et conservateur de l’État à l’origine de tout. « A l’origine de tout », cela fit sourire Kelley.
Eparpillées, les dernières miettes du muffin furent picorées dans une bulle de tranquillité.
89% de batterie… Kelley attendait un compte rond, statistiquement plus rassurant qu’une fraction pas vraiment rechargée. Elle continuait de perdre son regard derrière la grande baie vitrée du Starbucks, s’imaginant la vie de ces passants, suivant le golfeur du dimanche qui traversait la rue pour rejoindre, café en main, l’autre trottoir et son véhicule : une magnifique voiture de luxe – naturellement de coloris rouge vif – qu’il y avait garée avec inconvenance.
90% de batterie.
PAN ! PAN !
La tasse tomba à terre. Son café se déversa sur le carrelage au rythme de sa peur.
Une courte pause. Une seconde d’interlude où l’instinct de Kelley chercha à comprendre ce qui venait de lui faire perdre le contrôle. Un autre et dernier coup de feu acheva le silence.
Des cris, surtout ceux d’une femme, et les passants qui s’affolèrent dans tous les sens pour chercher un abri. Certains se réfugièrent dans le Starbucks.
Les amoureux ne s’embrassèrent plus ; ils avaient tout vu ; réfugiés, recroquevillés sur la banquette, ils ne voulaient plus voir.
Le golfeur du dimanche avait sorti un pistolet. Il avait tiré de sang froid sur un homme au bras de sa petite amie (qui n’avait commis pour seul crime en apparence que celui de lui faire remarquer son incivilité de se garer en mordant sur le trottoir, devant une bouche incendie).
Puis : il l’avait achevé à terre !
Il remonta dans sa Ferrari, bu une gorgée de son gobelet de café, et fit vrombir le monstrueux moteur de son bolide.
Tout s’était passé si vite.
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Durant ce qui lui sembla durer une éternité, elle resta figée. Si elle ne bougeait pas, peut-être pourrait-on tout rembobiner ? Son cerveau se remit brusquement en marche en lui donnant l'ordre, primal, de fuir. Fuir avant que l'endroit ne soit bondé de policiers, fuir avant que le café ne devienne le centre d'attraction de la ville, de l'état, fuir avant les questions et les caméras. Même si Detective Crevette à la farine de maïs savait qu'elle était là.

Elle se demanda brusquement si quelqu'un avait déjà prévenu les secours, ou si la victime était en train de se vider de son sang sans que personne ne fasse rien.
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La peur laissa place à la compréhension. Chacun prit mesure du drame qui venait de se produire sous leurs yeux. Là.
Les téléphones portables accompagnèrent la prise de conscience en véritable doudou de l’âge adulte. (Ils sont rassurants. Avec eux nous ne sommes jamais vraiment seuls. Un lien vers les proches ou les secours. Le sentiment que nous pourrions tant faire et tant obtenir si besoin.)
De l’autre coté de la rue, l’homme allongé au sol avait tant besoin d’aide. Son sang visqueux se déversait de son abdomen sur le macadam.
Recroquevillée contre la devanture d’une librairie sa petite amie pleurait des larmes, paniquait, et frôlait l’hystérie.
Une jeune femme fut la première aux cotés des victimes. Ses gestes assurés, professionnels, elle sembla savoir ce qu’il fallu faire. Malheureusement, sa mine trahit la définitive réalité : il n’y avait plus rien à faire. Il est mort !
L’hystérie céda.
Au loin les sirènes de police se firent connaître avant les gyrophares et résonnèrent entre les bâtiments. Alors seulement, et petit à petit, dans la rue, les gens réapparurent. Il n’y eut plus aucune raison de paniquer ; le danger était loin maintenant. Bientôt les secours arriveraient. Plus rien à craindre.
La vie pouvait reprendre.
Tout cette tragédie ne serait qu’un mauvais souvenir. Une anecdote de vie, ou celle d’un inconnu, que l’on se commentait déjà sur les réseaux sociaux pour dire « J’y étais » – Like !
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D'un geste, elle regroupa ses affaires. Sac, valise, téléphone et chargeur. Avec les secours arriveraient les journalistes avides de sang et de faits plus ou moins divers. La rubrique chien écrasé connaîtra une sinistre promotion aujourd'hui, peut-être même en Une, couleur et grand format, Kelley n'avait aucune envie d’apparaître sur l'un des clichés sensationnalistes.
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Dans le café personne ne prêta attention à Kelley.
Les gens, abasourdis, s’efforcèrent sans grand succès de rester stoïques. Chacun réagissait à la hauteur de son possible.
Kelley voulu fuir. Elle fuit.
Un jeune homme les yeux rivés sur son portable brisa le silence :
— J’ai-j’ai la vidéo, mon Dieu… Mon Dieu !
— Tu dois la donner à la police, lui répondit-on, alors qu’une voiture de patrouille arrivait la première sur les lieux du crime.
La silhouette de Kelley, absorbée par ses pensées et ses priorités, dictées toutes deux par ses instincts, disparut aux regards potentiels de la foule. Elle s’enfonça un peu plus encore dans le coeur du centre-ville de Providence ; « une ville si douce où il fait bon vivre. »
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20 mars 2015, 18:35

Elle marcha au hasard, sans se soucier de son itinéraire, perdue dans ses pensées. Marcher, juste marcher, s'éloigner de cette scène d'horreur.
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20 mars 2015, 18:36

Les souvenirs de Kelley s’assourdissaient, dans l’ombre des immeubles qui cachaient le soleil. Il faisait presque froid. Les pigeons continuaient à croiser dans le ciel, incapables de se poser une fois délogés de leur perchoir habituel. Une mouette semblait s’y être figée ; immobile elle luttait contre les vents pour retourner vers sa marina. C’était les seuls occupants des petites rues latérales dans lesquelles Kelley avait fini par se perdre. Tout se ressemblait dans cette ville. Le centre et les beaux quartiers semblaient pourtant si petits sur une carte.
Une heure de l’après-midi. Le temps filait. Quelle importance quand on a pour seule obligation celle de trouver un toit pour le soir, et les suivants. Et toujours aucune réponse de l’Office de Tourisme.
Les pas de Kelley avaient finalement réussi à la conduire à travers quelques raccourcis vers le coeur du centre-ville. Un steak house familial gouvernait une place. Ses néons clignotaient encore capricieusement à cette heure. Les portes automatiques s’ouvrirent en sifflant sur un automobiliste, les bras chargés de hamburgers et de gâteaux destinés à un enfant qui l’attendait dans sa voiture.
Le souvenir finirait bien par s’estomper ?
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20 mars 2015, 18:36

Un instant, la tentation de franchir les portes du steack-house, pour tenter de se requinquer devant un morceau de viande taille familiale, fit oublier à Kelley que cela fait plusieurs années qu'elle est végétarienne... Il lui fallait se recentrer, reprendre pied dans la réalité. Si l'office du tourisme ne répondait pas, elle trouverait un motel pour la nuit. Elle décida également d'appeler quelques studios de yoga locaux afin d'y dispenser quelques cours.

S'occuper pour se changer les idées...
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20 mars 2015, 18:36

Ce n’était qu’en milieu d’après-midi qu’était arrivée la notification tant attendue de l’Office de Tourisme :
« Bonjour et Welcome Kelley ! Nous sommes heureux de vous accueillir dans notre belle ville de Providence. Location d'appartement, de maison, chambre chez l'habitant, auberge de jeunesse, ou même cabine à la Marina, nous vous offrons l'embarras du choix pour quelques jours ou plus... ;-) N'hésitez pas à venir nous rendre visite nous vous aiderons dans vos démarches, en plus d'avoir notre célèbre et délicieux lait aromatisé au café. »
La Cité ne manquait pas de spécialités culinaires ; la pizza rectangulaire à l’origan – à déguster à température ambiante – avait été très surprenante, peu digeste, mais délicieuse et parfaite pour passer à autre chose – ou du moins se forcer à y croire –, surtout après la deuxième part.
Karl lui laissait l’embarras du choix mais il était vrai que Kelley ne s’était pas nécessairement posée la question de savoir comment elle voudrait appréhender ces prochains jours sur Providence. Les premières heures s’en étaient chargées, émotionnellement surtout.
Heureusement « la roue tourne avait tourné » et l’après-midi s’était voulu aussi agréable que son antagoniste matinée. Les coups de téléphones aux différentes institutions locales de sports et cours de yoga avaient réconforté Kelley : tous ou presque pouvaient l’accueillir, le temps d’une séance ou de quelques jours.
Les prochains semaines de nombreux touristes étaient attendus sur Providence du fait de l’arrivée du printemps, et de la foire (dont Kelley avait eu le privilège de rencontrer certains hauts ambassadeurs et en couleurs), et quelques suppléants étaient toujours les bienvenus, d’autant plus s’ils s’avéraient être des professeurs certifiés.
Ce séjour ne s’annonçait finalement pas si mal. – Le souvenir finirait bien par s’estomper ?
Il ne restait plus pour Kelley qu’à faire ses choix, à moins qu’elle ne s’en remette au destin…
Justement. Une fois encore. Le destin avait une voix.
Amusant hasard (existait-il encore ? simple réthorique), attendant son tour dans l’Office de Tourisme – afin de faire le point comme l’avait suggéré Karl sur les possibilités et disponibilités d’hébergement, derrière trois jeunes Allemands qui ne semblaient pas avoir pris l’anglais comme langue étrangère au collège –, quelques mots puis une phrase attirèrent l’attention de Kelley jusqu’au bureau d’à coté :
— Nouvelle ville, nouvelle énergie il parait, sourit une petite blonde format mini portion à la tessiture guère plus haute (072). Ils proposeraient des cours de yoga pour femme enceinte à votre avis, avec des femmes comme professeurs surtout ?
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20 mars 2015, 18:37

Se penchant vers la miniature, elle lui sourit et répondit assez timidement.

— Je vous prie de m'excuser, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre votre conversation... Si je peux me permettre un conseil, fuyez tout professeur qui vous tentera de vous mettre en torsion ou en apnée !
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07 juil. 2015, 13:59

La jeune femme parut étonnée :
— Pardon, comment-ça ?
Ses yeux se posèrent sur le ventre de Kelley, tout aussi plat que le sien, puis sur son sac d’affaire posé nonchalamment à ses pieds, et elle remarqua le tapis de yoga.
— Oh, vous même pratiquez… Quelle belle coïncidence ! dit-elle dans un sourire lumineux.
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07 juil. 2015, 21:27

Réalisant l'étrangeté de la situation, Kelley rougit et répondit en souriant en retour :
— Je suis désolée de ne pas m'être présentée. Je m'appelle Kelley, et pratique et enseigne le yoga.
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23 juil. 2015, 22:20

— Mélissa Wallace, répondit-elle d’une voix douce.
L’agent d’accueil s’amusa de cette rencontre, elle ne semblait ni pressée de reprendre part à la conversation ni d’appeler la demande de renseignement suivante.
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14 août 2015, 23:46

— Enchantée Mélissa, et veuillez me pardonner cette intrusion dans votre conversation, s'excusa Kelley pleinement consciente de l'incongruité de son intervention. Je suppose que c'est une sorte de déformation professionnelle, j'ai tendance à intervenir sans me présenter quand une discussion touche à la pratique du yoga. Il faut dire qu'avec l'engouement actuel, on peut parfois tomber sur des professeurs privilégiant la performance physique au bien-être des élèves, ce qui peut se révéler catastrophique pour une femme enceinte.
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16 sept. 2015, 13:58

— Au contraire vous faites bien. Très bien même. Vous auriez le temps pour prendre une limonade ou un thé, Kelley ?
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21 sept. 2015, 14:27

— Ca serait avec un grand plaisir, répondit Kelley. Je viens d'arriver en ville, mon emploi du temps du jour se résume à explorer Providence, m'imprégner de son ambiance. Et découvrir ses meilleurs salons de thé !
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04 oct. 2015, 19:32

— Magnifique ! s’exclama Mélissa d'un enthousiasme débordant des plus communicatif. J'aime les hasards de la vie, de cette ville. Mon mari et moi sommes également de nouveaux Providencins, si je ne commets pas d'erreur sur le terme désignant les habitants de Providence…
L’agent d’accueil confirma d'un sourire bienveillant, bien que discrète elle écoutait toujours la conversation.
— Je vous laisse ma place, après tout vous étiez sûrement venue pour vous renseigner vous aussi. Moi c’était sur le jardin botanique, et, je plaide coupable, le Musée des Arts culinaires de Johnson & Wales, une amie sur les réseaux m’a dit que gourmande comme je suis je devais absolument y aller… Prenez votre temps, je vous en prie ; je vais en profiter pour appeler justement mon époux, puis nous partirons ensemble accomplir une de vos tâches de la journée : dénicher le meilleur salon de thé ! Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que nous allons devenir de très bonnes amies Kelley.
« Oui, tout est Néant
Passage, vapeur, silence
Cependant. »
 — Kabayashi Issa

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Kelley Doe
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04 oct. 2015, 22:22

Kelley la remercia d'un signe de tête avant de se tourner vers l'employée de l'office du tourisme :
— Bonjour, il semble que je viens de me faire une nouvelle amie, j'aime croire qu'aujourd'hui est mon jour de chance et que vous pourrez m'orienter vers une solution d'hébergement ! Je ne sais pas encore combien de temps je vais rester en ville, et mon budget est assez serré, auriez-vous des pistes ?
Ce premier jour à Providence ressemblait à des montagnes russes ; Kelley espérait rester en altitude le plus longtemps possible. Du moins le temps de trouver un toit.
« En opposant la haine à la haine, on ne fait que la répandre, en surface comme en profondeur. » - Gandhi

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uaervaftnecniv
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05 oct. 2015, 15:45

— Avec plaisir mademoiselle, nous allons regarder cela ensemble et nous fier à cette chance alors, répondit-elle d’un sourire bienveillant, tout en ouvrant un solide et lourd classeur débordant d’adresses et plaquettes promotionnelles dans des cadres tous plus paradisiaques les uns que les autres sur papier brillant. Si vous n’êtes pas encore fixée sur la durée de votre séjour dans le Rhode Island, peut-être pourriez-vous m’indiquer le budget que vous souhaiteriez allouer ? Afin de donner un tout petit coup de pouce à votre bonne étoile.
Décidément, Kelley se fit la remarque que les habitants de Providence s’avéraient vraiment tous si sympathiques, si accueillants, et ce n’était que son premier jour – était-ce le lieu qu’elle avait tant cherché ces derniers mois ? Son nouveau départ…
L’incident du matin lui sembla si loin.
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 — Kabayashi Issa

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