(Double appel)
Providence – 53 jours avant la Fracture, 21h53
Sa main caressa la vénérable à travers la fine étoffe de velours, ne cachant rien et épousant chacune de ses rondeurs, de son petit ventre bien rempli, accompagnant toute la mesure de son geste par une parfaite complaisance de satisfaction. Le liquide ambré afflua de la bouteille jusqu’au verre large, les arômes des fûts de sherry se rappelant tels autant de souvenirs, lui offrant tout le loisir de respirer. Julian profitait du silence qui régnait chez lui.
Stephen prenait sa soirée, plus que méritée. Les enfants s’étaient éclipsés en ville, pour un film d’horreur aux rituels confortables – « une histoire d’adolescents qui s’envoient en l’air, et après, ils doivent le payer en bouts et morceaux de membres ; tu veux venir Papa ? », lui avait proposé Nur avec impertinence. Elle avait encore grandi sa petite fille. Quant à Norah, elle devait être restée à Brown, une fois de plus, à travailler avec le Dr. Kimia. Elle ne viendrait se glisser dans leur lit, pour coller ses pieds glacés contre lui les accompagnant d’un baiser, que tard très tard, une fois Julian déjà lourdement endormi, du moins le ferait-il croire, comme chaque soir. Puis ils feraient l’amour, tendrement, en effleurant de leurs caresses les années qui unissaient leurs corps et promesses. Comme presque tous les soirs.
Une sonnerie pressée sortit Julian de ses rêveries. Il existerait toujours des impolis qui ne se souciaient guère d’importuner les gens à une heure si tardive.
— Allô ! Mr. Nurse, Julian Nurse ? dégaina l’interlocuteur. Agent Lynch, du FBI.
Tous les espoirs de passer une soirée agréable s’envolèrent pour Julian. La rigueur dans la voix de l’Agent Lynch laissait peu de place à l’envie.
— Veuillez m’excuser monsieur de cet appel tardif, mais les besoins d’une enquête en cours requièrent que je vous pose quelques questions.