Donc.
Je ne partage pas du tout le point de vue d'Hervé, et ce n'est pas grave.
Tout d'abord, si !, sur la question il y a une règle, une position officielle, et il s'agit bien de l'extrait cité par KeM.
Ce texte je l'ai écrit aux origines du projet, lorsqu'il était nécessaire d'en définir – des règles – à cette Idée Originale pour lui offrir un cadre à la hauteur de ses ambitions, du médium, éviter un grand capharnaüm si commun aux créations et communautés des Internets, se démarquer des ressemblances et inspirations également. Et ce n'est pas pour rien que le sujet dont est issue cette citation se nomme la « Composante syntaxique et typographie des histoires », avec pour sous-titre « (ou petit traité des bons us et coutumes et du format des messages.) » dans le sous-forum « Avant-propos » ; c'est un guide pour l'écriture du projet
Il était u̶n̶e̶ notre fois…
C'était. Car comme tout projet il est amené à évoluer, parfois en s'altérant, parfois en se réinventant, au contact et sous l'influence directe et empirique de son Cosme, et c'est exactement ce qu'il a fait. C'est une bonne chose.
Pour pur historique, la
Tentative de définition du projet – par son auteur (myself donc) résume très bien les différentes étapes de croissance ; et je serais prêt à parier que nous sommes à l'aube d'une nouvelle.
En somme, le projet suit la même trame qu'une histoire. – en l'espérant dans notre cas, sans fin.
Justement, l’« histoire »… mot choisi pour exprimer la teneur de notre propos, le produit fini (!) et la raison d'être de ce projet transmédia collaboratif et immersif (et j'y reviendrai sur ce terme), ainsi que tout son champ lexical et ses différentes cooccurrences utilisés ici et là, sur tout le forum. Je vous renvoie au
Lexique pour référence.
Donc, pourquoi une « histoire » (avec ou sans sa majuscule, je ne me souviens même plus pourquoi j’avais opté pour en mettre une) et non pas « scénario – partie – jeu – roleplay – etc. », comme il est de coutume de le retrouver sur les autres forums et communautés aux thématiques et usages
quasi semblables ? – Et d’où nous sommes issus, le noyau dur primal. – Car justement, aux origines, l'idée n'était pas de faire du jeu de rôle par écrit – même si certaines de nos histoires en sont, car l'un n'empêche pas l'autre –, mais bien d'écrire de manière collaborative une histoire, un roman, un récit (immersif)… D'où l'absence des règles statistiques, même narrativistes ou minimalistes – et même si j'ai promis d'en concevoir depuis toujours (et elles le sont, conçues).
Une histoire est une continuité narrative, avant toute chose ! Offrez-lui toutes les formes, mécaniques et structures que vous souhaitez, annexez-la de tous les superlatifs et styles si cela vous chante, il n’en restera pas moins que pour qu’une histoire fonctionne il faut un propos (le quelque chose à raconter), même en quelques mots (trois suffisent) et le placer/développer/conclure dans un rapport temps défini et cadré. Script, scénario, arche narrative, peu importe le nom, l’idée et le principe sont là. Vous pouvez naturellement fragmenter autant que vous le souhaitez la trame, le fait est que si vous ne faites que ça, sans raison (et non, je suis désolé, mais le « ça me semble important » n’est pas une raison, il faut que ça « serve le propos »), vous perdrez le fil… et, de ce fait, le lecteur. D’ailleurs « le fil », encore un champ lexical parfait, car je sais pas pour vous, chez moi un fil je préfère quand il se déroule naturellement, sinon ça fait des noeuds, ça complique, on comprend plus rien, on s’énerve, et – Merde !… Tu n’as qu’à la démêler toi-même ta guirlande de Noël…
Je vulgarise énormément, trop même. N’importe quel
collègue auteur, ès l’Écriture, qui passerait par là me cracherait à la barbe mes arguments. Et il aurait raison. L’idée n’est pas de faire un cours, nous ne sommes pas un atelier d’écriture, pas plus que d’apprendre le métier (de toute façon être écrivain c’est une passion, pas un métier… BIM, second crachat !). Comme toute vulgarisation c’est vulgaire.
Je vous emmerde !
Pour l’occasion, je veux dire. Je vous perds. Je m’écoute écrire.
OK.
Alors, allons à l’essentiel. Puis je conclurai sur le plus important.
Donc.
Prenez n'importe quel roman, n'importe quelle nouvelle, fictionnel ou non, et lisez !
Maintenant faites le même exercice en imaginant l'auteur – le narrateur – revenir sur la scène quand cette dernière est terminée, mais cette fois-ci pour nous l'écrire/décrire du point de vue de chaque protagoniste (encore un mot du champ lexical du récit) que le lecteur sait être présent. Reproduisez ce schéma sur chaque scène. Insupportable.
La seule raison de revenir sur une scène, pour nous décrire les réactions d’un protagoniste, devrait être si ledit s’avérait hors chronologie ou géographie de cette même scène (Jean-Pierre et Jeanne-Pierrette parlent de John ; John n’est pas présent physiquement ; John arrive à la fin de la scène ; si, par hasard, il a tout entendu/il a agi avec un lien de cette scène, alors c’est bonus compte triple). Point barre.
Et tout argument contraire me fait toujours penser à une justification du type « car/quoi/si » :
« en fait il aurait réagi ainsi car… »
« car » quoi ?
« Si j’avais pu le faire réagir »…
Sauf que non, il n’y a pas de « pouvoir » qui tienne. Soit sa réaction servait le propos, et dans ce cas elle a été faite ou doit être faite, soit elle ne le servait pas et elle n’a pas lieu d’être.
Je proposais de faire l’exercice, je m’y plie. Démonstration avec un extrait de
Les Versets Sataniques, de Salman Rushdie (n'y voyez pas là un message, il s’agit de ma lecture actuelle et ma liseuse se trouve à côté de mon ordinateur). Pour cette démonstration l’on concédera que l’extrait suivant est publié par l’auteur principal, dit dans notre lexique le « Conteur » :
Les Versets Sataniques, de Salman Rushdie a écrit :« Dis à ton fils, hurla Changez à Nasreen, que s'il est allé à l'étranger apprendre le mépris des siens, alors les siens ne pourront éprouver que du mépris pour lui. Pour qui se prend-il ? Un petit maître, un gros ponte ? Est-ce mon destin : perdre un fils pour retrouver un phénomène de foire ?
– Qui que je sois, mon cher père, dit Saladin au vieil homme, je te dois tout. »
Ce fut leur dernier bavardage familial. Pendant tout l'été la situation resta tendue, malgré les tentatives de médiation »
Et maintenant, pour la démonstration, imaginons que dans notre histoire plusieurs protagonistes existent en parallèle de cet extrait (ils seront imaginaires et sans rapport avec le roman de Salman Rushdie). Ces derniers dans le cadre de notre projet seraient interprétés par autant de coauteurs, dits dans notre lexique les « Protagonistes ». Ces derniers, sitôt l’extrait précédent publié doivent poursuivre – et déjà l’utilisation de ce terme donne toute explication de leur but pour le bien de la narration et de l’immersion, mais pourtant –, estimant qu’ils subissent la narration du Conteur, ou estimant avoir « de bonnes raisons de le faire […] ils vont se référer aux évènements précédents pour préciser leurs réactions face à ceux-ci » :
La petite amie de Saladin avait elle aussi subi cette dispute familiale comme une cascade de mépris et d’insultes à son égard – car elle n’était pas sans savoir la désapprobation de Changez pour leur relation. Elle avait joué avec ses cheveux tout durant. Elle jouait toujours avec ses cheveux pour laisser échapper ses pensées ; une vieille habitude de son enfance, quand ses parents se battaient ensemble. Quand son père battait sa mère. Et il gagnait souvent.
Là, elle était restée à jouer avec ses cheveux.
Malika, ne supportant pas de voir sa soeur Nasreen se faire hurler dessus ainsi, avait eu envie d'interrompre Changez d’une gifle. Elle s’était ravisée. Aujourd’hui encore elle le regrettait, l’été avait été gâché et rien ne présageait que les relations puissent s’améliorer à l’approche de la rentrée… Elle devait agir, réparer son manque de courage.
Elle décida de rendre visite à Saladin.
Nasreen avait bien essayé de répliquer, tout d’abord alors que Changez lui hurlait dessus. Puis quand son effronté de fils lui avait répondu. Tout l’été. Mais cela n’avait rien donné. Changez et Saladin avaient le même caractère, le même sang borné.
« Un père et son fils. Cela se règlera tôt ou tard », se dit-elle.
Ça semble caricatural ? Ça l'est.
Mis bout à bout, d’une seule lecture, l’on en perd l’essence même recherchée du projet : l’immersion, une histoire… Justement du fait de ces allers-retours inopportuns et ne servant en rien le propos. Le lecteur, nous, ne savons plus exactement où nous en sommes dans la continuité, la trame, le fil, de l’histoire…
Et pourtant, tout n’est pas à jeter. Loin de là.
D’où vient le problème dans ce cas ?…
Le problème, s'il y en est un, est que si ce procédé est acceptable, et même fondamental comme mécanique, pour une partie – un roleplay – un jeu de rôle – textuel – sur forum, afin de bien mettre en avant les comportements et réactions de tous les participants (que l’on nommera « Joueurs ») ayant pour rôle/but de faire savoir aux autres (« Conteur » qui s’appelerio « Maître de jeu » et « Coauteurs » qui seront les copains « Joueurs ») ce que fait ou aura fait leur personnage dans la scène descriptive précédente. Il ne l'est plus – d’acceptable – dès lors que l'on ne considère plus les « protagonistes » (que l’on nomme « coauteurs ») comme les rôles-titres de l'histoire mais au service de l'histoire.
L’idée n’est pas de savoir ce que fait ou aurait fait tel ou tel personnage dans telle ou telle situation (car/quoi/si), mais de savoir ce qui fait l’histoire, de connaître la suite, de l’écrire, la lire, ensemble, en collaboration…
Et c'est bien là que divergent les points de vue.
Dans l’un, les personnages font l’histoire.
Dans l’autre, une histoire – avec des personnages.
Vincent Favreau a écrit : ↑27 mai 2017, 16:30
Les visions sont à imputer au passif. Il conditionne l'appréciation.
La différence réside dans le choix de la terminologie et sa mécanique.
- Une partie de jeu de rôle. Maîtriser un scénario. Y jouer un personnage, avec roleplay.
- Une histoire. Sa narration. La coécrire en interprétant un protagoniste.
Dans les deux cas, les personnages sont interprétés par une tierce personne que le Conteur/Maître de jeu/Auteur ; pour se surprendre, pour s’offrir du plaisir ; pour vivre des émotions ; pour toutes les raisons qui font que c’est un divertissement…
Et voilà pourquoi ce n’est pas grave !
Car ne pas oublier une simple et sacro-sainte règle, la primordiale et première : prendre du plaisir !
La seule d’ailleurs.
Si vous prenez le temps de lire mes différentes histoires sur le forum vous relèverez que jamais, au grand jamais, je ne fais entorse à
mon credo de continuité ; qui que ce soit, je poursuis systématiquement à la ponctuation près. Allant jusqu’à m’efforcer – sans aucune douleur rassurez-vous – d’accompagner le ton et ses changements apportés par les autres coauteurs. La raison ? Immersif. Collaboratif.
Quand je suis Conteur, j’ai les tenants et les aboutissants (presque) de l’histoire mais ne suis pas là pour tirer la part belle à mon écriture. Nous l’écrivons à xe mains. L’histoire prime.
Quand je suis Protagoniste, j’accompagne l’écriture de l’histoire, en interprétant le plus justement possible le personnage qui m’est confié (que j’ai choisi), sans chercher à en faire la raison d’être de la scène, le héros, juste un élément, au même titre que la plante verte que le Conteur aura décidée nécessaire d’appuyer dans sa description, au même titre que les autres Protagonistes, au même titre que ceux rendus vivants par le Conteur. Je suis au même niveau. L’histoire prime. Pas mon personnage. Je ne réécris pas l’histoire de mon point de vue, ni de celui du Protagoniste que j’ai le plaisir d’interpréter. Je suis au même niveau. Je suis coauteur.
Là est la raison d’être de ce projet,
Il était u̶n̶e̶ notre fois…
Là est
ma définition,
mon plaisir.
Pourtant, jamais je reprends un coauteur sur mes Histoires, jamais je ne reprends un Conteur sur les Histoires auxquelles j’ai le plaisir de participer. Jamais. Et, s’il n’y avait pas eu ce sujet d’ouvert (et vous devez fortement en vouloir à Juliette car responsable de ou prétexte à ce verbiage sans fin, moi qui m'efforçais de ne plus en faire – vous y croyez ?), jamais vous ne m’auriez lu à ce sujet. Jamais.
Pour une seule raison : prendre du plaisir !
Et en matière de plaisir, s’il y a bien une chose que nous enseigne la vie, nous ne sommes pas tous identiques dans notre manière de l’appréhender et d’en prendre, même fondamentalement différents. Nous n’avons pas tous les mêmes rythmes ni les mêmes perceptions, encore moins les mêmes attentes. C’est précisément ce qui rend la rencontre à la fois si complexe et si précieuse ; possible également.
Je suis partisan, au-delà des usages premiers, des codes, des règles, et des bons us et coutumes, que le plaisir – de créer – demande que l’on surmonte des dissymétries sociales. Entre gens de sympathie.
Alors que chacun fasse bien comme il veut. Sauf erreur, le projet n’est pas un atelier d’écriture, mais
un projet de narration transmédia immersive et collaborative. Un mélange – doux dingue – entre la transmédialité, l'écriture au fil de, l'art du conte, le jeu de rôle textuel, et la théorie de la détective littéraire Thursday Next (création de Jasper Fforde) selon laquelle un roman aurait sa propre vie et ses personnages leurs aventures, leur monde, au-delà du récit premier offert aux lecteurs dans l'immuable objet-livre.
Les histoires ne sont plus seulement lues, elles sont vécues ! – et sans limites…
Enfin, ça c’est ce qu’a écrit un gens un jour. Aux origines.
— Graou de barbe,